Rédiger un mémoire de maîtrise : les pièges à éviter

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Dans la foulée de notre article de la semaine dernière qui portait sur la rédaction d’une revue de littérature, nous poursuivons (et concluons) cette brève série sur la production de travaux universitaires de deuxième et troisième cycle. En effet, bien que le titre mentionne spécifiquement le mémoire de maîtrise, nos recommandations sont applicables à l’ensemble des épreuves qui suivent la structure classique d’un travail de recherche : (1) choix d’un sujet; (2) formulation d’une problématique; (3) choix d’une méthodologie de recherche et collecte des données; (4) présentation des résultats; (5) discussion. La terminologie employée et la séquence de certaines de ces sections peuvent varier, mais plus souvent qu’autrement, ces cinq grands blocs constituent la structure de base de tous les travaux d’envergure (généralement 50 pages et plus, excluant les annexes) imposés aux cycles supérieurs. 

Avis aux lecteurs : comme le titre de cet article le suggère, il ne s’agit pas d’un guide exhaustif visant à résumer et / ou à simplifier les directives fournies par les départements universitaires qui exigent ce type de productions écrites. Il s’agit uniquement de recommandations basées sur notre expérience personnelle des écueils auxquels se heurtent le plus fréquemment les étudiants en rédaction, et formulées dans le but d’aider ceux-ci dans cette phase bien précise de leur travail de recherche. À bon entendeur…

La problématique : laissez-vous une marge de manœuvre

Nous avons déjà couvert dans l’article précédent la distinction non triviale qui existe entre le sujet et la problématique d’un mémoire de maîtrise, discutons maintenant de la manière dont vous devriez les choisir et les aborder. Le choix du sujet pose généralement peu de problèmes sur le plan pratique : la liste d’options est cohérente avec votre champ d’étude ou de spécialisation — et donc assez restreinte — et de toute façon, votre sujet doit être approuvé par votre directeur de recherche, limitant ainsi le risque déjà faible de commettre une erreur terrible à cette étape. La problématique, en revanche, demande un peu plus de réflexion, et pas uniquement parce qu’elle peut être formulée de différentes façons en fonction du type de travail de recherche exact que vous avez à produire. Deux erreurs en particulier peuvent mener les étudiants à de nombreuses frustrations : l’excès d’ambition et / ou la sur-spécialisation.

L’excès d’ambition se produit lorsqu’un étudiant avec le moral gonflé à bloc se met en tête de traiter d’une problématique qui — sans être nécessairement imprécise — est beaucoup trop vaste pour être adéquatement travaillée par un jeune chercheur limité dans le temps et les moyens. La sur-spécialisation est d’une certaine façon l’inverse de l’excès d’ambition : elle guette les étudiants passionnés qui choisissent d’écouter leur cœur plutôt que la raison et de formuler des problématiques beaucoup trop précises pour les instruments de collecte et de traitement de données à leur disposition… ou pour lesquelles il n’existe tout simplement pas de données. 

Dans le cadre de la rédaction d’un mémoire de maîtrise, ces problèmes ne s’équivalent pas : une problématique trop ambitieuse peut généralement être reformulée dès que l’étudiant réalise son erreur (de préférence avant la phase de collecte de données) sans que les chapitres précédents aient besoin d’être modifiés substantiellement; changer une problématique centrée sur une niche d’une niche, en revanche, va nécessiter la réécriture de portions importantes de la revue de littérature, dans bien des cas.

En quelques mots, lorsque vous choisissez et / ou formulez une problématique, ne vous peinturez pas dans le coin. Assurez-vous d’opter pour un problème de recherche que vous aurez la capacité, les moyens et le temps de traiter adéquatement.

La méthodologie : ne négligez pas le « pourquoi »

La méthodologie est le chapitre dans lequel vous devez non seulement expliquer la manière avec laquelle vous allez collecter et traiter vos données de recherche afin de répondre à la problématique formulée quelques pages auparavant, mais également la raison ou les raisons pour lesquelles vous avez choisi de procéder de cette manière. C’est par rapport à ce dernier point que nombre d’étudiants s’attirent des commentaires alarmants de leurs professeurs alors même qu’à bien des égards, la méthodologie est la section la plus standard. De ce que nous avons pu observer, les aspirants chercheurs qui omettent de traiter du « pourquoi » dans la section méthodologique — ou le font de manière inadéquate — peuvent être classés dans deux grandes catégories : ceux qui ne savent pas ce qu’ils font et ceux qui savent exactement ce qu’ils font.

Comme son nom l’indique, la première catégorie regroupe les étudiants pleins de bonne volonté mais beaucoup moins à l’aise avec la méthode scientifique qu’ils ne devraient l’être à ce stade de leur formation. En conséquence, ils choisissent un type d’outils basé sur les modèles mis à leur disposition par leur directeur de recherche ou glanés sur Internet, construisent un instrument de collecte peu approprié, recueillent des données qui semblent concluantes… et se cassent les dents au moment de rédiger leur section « résultats » lorsqu’ils s’aperçoivent que la nature même de l’instrument de collecte de données qu’ils ont choisi ne leur permet pas de répondre adéquatement à leur problématique. 

La seconde catégorie regroupe quant à elle les petits malins qui choisissent sciemment de bâtir un questionnaire avec un choix de réponses graduées sur une échelle de Likert. Pourquoi cet instrument spécifiquement? Parce qu’il est très « flexible » en termes de manipulation des résultats — ou disons-le franchement, de falsification. En conséquence, ces étudiants sont incapables de justifier leur choix de cet instrument, surtout lorsqu’il est douloureusement évident qu’ils auraient dû mener des entrevues, les retranscrire et procéder à la codification des réponses en vue de la présentation des résultats, par exemple.

Loin de nous l’idée de présumer de la répartition des étudiants plus faibles sur le plan méthodologique dans ces deux catégories. Ils se reconnaissent, et plus souvent qu’autrement, leur directeur de recherche aussi. Assurez-vous simplement de n’appartenir à aucune de ces deux catégories.

Les résultats : allez à l’essentiel

À ce stade de la rédaction d’un mémoire de maîtrise, tous les problèmes que nous avons soulevé font boule de neige — s’ils n’ont pas été résolus — et les étudiants qui ont commis ces erreurs commencent à paniquer : il leur est impossible de produire des résultats qui répondent à une problématique irréaliste en termes de complexité ou pour laquelle il n’existe pas de données de terrain accessibles pour un aspirant chercheur; pire encore, un outil de collecte inapproprié leur a fourni des données sans rapport avec l’objet de leur recherche et donc sans la moindre valeur, à toutes fins pratiques; pour ne rien arranger, le temps presse, en règle générale, puisque la présentation des résultats est généralement l’avant-dernière étape (majeure) de la rédaction d’un mémoire de maîtrise ou d’un travail universitaire de cette nature : il n’est plus possible ou sage de faire marche-arrière. Nombre d’étudiants dans cette situation se résignent donc à présenter leurs données plutôt que des résultats… et pour le lecteur avisé, il s’agit d’un terrible constat d’échec. Il n’y a pas vraiment de trucs et astuces pour remédier à cette situation : le travail est à refaire presque de zéro...

Il est également possible que les étudiants qui ont effectués un travail rigoureux à chaque étape de leur recherche fassent du zèle et en viennent à présenter toutes les données pour lesquelles ils ont travaillés si fort au lieu de les synthétiser. Grossière erreur. À notre humble avis, la lisibilité des résultats dans leur ensemble est quasiment plus importante que leur exhaustivité puisqu’en règle générale, l’instrument de collecte et les données brutes doivent être présentés en annexe. Les résultats sont donc en quelque sorte une introduction à la discussion et visent à présenter une synthèse des faits saillants qui découlent du traitement de vos données dans le contexte de la problématique à l’étude. Tout ce qui ne cadre pas avec cet objectif devrait être relégué aux annexes ou ignoré, à plus forte raison si les éléments en question alourdissent la lecture ou la présentation de cette section.   

La discussion : démontrez votre maîtrise du sujet 

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La discussion est sans jeu de mots la section qui justifie l’inclusion du mot « maîtrise » dans l’expression « mémoire de maîtrise ». À l’inverse de la méthodologie, la discussion est une section qui laisse beaucoup de marge de manœuvre aux étudiants en termes de présentation et d’organisation des idées et, jusqu’à un certain point, en matière de style. Si vous avez commis toutes les erreurs possibles à ce stade et que vous considérez tout de même tenter de rédiger une discussion, vous risquez de souffrir d’une sérieuse angoisse de la page blanche… ou d’insulter l’intelligence de votre professeur. Pour ce qui est des étudiants modèles, l’erreur la plus courante consiste à reformuler la revue de littérature avant de se féliciter subtilement d’avoir répondu aux questions posées par la problématique… sans faire les liens pertinents entre la théorie et les résultats présentés. 

La discussion est un exercice d'articulation des concepts théoriques autour des résultats afin d’arriver à une conclusion sur la problématique à l’étude. C’est donc moins votre capacité à régurgiter de la littérature scientifique qui compte ici que l’aisance avec laquelle vous passer des écrits aux résultats de votre recherche, même si ces derniers coïncident moins avec les faits saillants du corpus que vous ne l’auriez souhaité. Vous aurez l’opportunité de discuter des limites de votre recherche un peu plus loin dans votre mémoire de maîtrise, normalement. 

Un mémoire de maîtrise, un rapport de stage ou une thèse de doctorat est l’exigence partielle qui mène à un diplôme universitaire dans lequel vous avez investi plusieurs de vos plus belles années. Si vous avez à produire l’un ou l’autre de ces travaux de recherche dans un avenir proche, traitez-le comme il se doit : la culmination de votre formation.